Nous avons échangé avec Olivia Gross, titulaire de la chaire et chercheuse au Laboratoire Éducations et Pratiques de Santé (LEPS) de l’université Sorbonne Paris Nord, et Rémi Gagnayre, directeur du LEPS, sur la création au sein du LEPS de cette Chaire consacrée à l’engagement des patients dans le système de santé, une première dans le paysage universitaire français.
Qu’est-ce que l’engagement des patients/usagers ?
L’engagement des usagers renvoie aux actions que mènent les patients/usagers, en collaboration avec les professionnels de santé, pour améliorer les expériences de soins du plus grand nombre de personnes.
Cela passe par convier les usagers à s’engager au-delà de la représentation des usagers, notamment pour améliorer la pertinence des recherches, des soins, des enseignements, des interventions en santé et la qualité des expertises scientifiques. Il s’agit de solliciter, dans le cadre de démarches – ou de recherches-dites « collaboratives » ou « participatives », leur expérience de vie avec des enjeux de santé, leur expérience individuelle ou collective des parcours de soins et dans certains cas leur expertise ou celle de leurs associations.
On est loin d’un épiphénomène : les orientations politiques se succèdent pour inciter à développer l’engagement des usagers. Ainsi, la Stratégie Nationale de Santé (2019-2022) incite à : « impliquer les usagers dans les actions de recherche et d’amélioration de la sécurité et de la qualité de l’offre de santé ». De plus, dans le prolongement de ma Santé 2022 qui recommandait d’« intégrer le patient comme acteur de formation et d’évaluation des professionnels de santé », la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé spécifie que les formations « favorisent la participation des patients dans les formations pratiques et théoriques».
C’est d’ailleurs dans ce dernier cadre que s’inscrit le programme pionnier du Département Universitaire de Médecine Générale de l’université Sorbonne Paris Nord auquel nous avons contribué, avec également le Pr. Pierre Lombrail. Ce programme a été récompensé par différents prix : le prix national « Droits des usagers » (DGOS 2019) ; « Prix 2019 des transmetteurs, catégorie soins primaires », Prix Passion du Ministère Supérieur de l’enseignement et de la recherche 2019.
Le Haute Autorité de Santé a fait paraître récemment des recommandations portant sur l’engament des patients : quelles sont les évolutions concrètes à prévoir dans ce domaine pour les prochaines années ?
La Haute Autorité de Santé a fait de l’engagement des usagers un des axes de son projet stratégique. En appui à cet axe, vient en effet de paraître la recommandation « Soutenir et encourager l’engagement des usagers dans les secteurs social, médico-social et sanitaire ». Les points qui y sont mis en exergue apportent des éléments de réponse à votre question :
- L’engagement des personnes concernées (patients, personnes accompagnées, usagers) nécessite d’être encouragé et soutenu par les décideurs et gestionnaires dans les secteurs sanitaire, social et médico-social.
- Pour chaque projet ou situation, l’objectif est d’atteindre le plus haut niveau d’engagement possible. Il convient toutefois de s’ajuster aux contextes et aux possibilités des personnes concernées comme des professionnels.
- Prévoir des modalités de reconnaissance des personnes engagées est un facteur de pérennité des actions. Parmi ces modalités figurent : la définition de statuts, un remboursement des frais, des modalités d’indemnisation ou de rémunération et une validation des acquis de l’expérience.
- Cette démarche nécessite l’affirmation de principes forts et la mise à disposition de ressources appropriées : temps, financement et cellule d’appui dédiée.
- Des travaux de recherche et d’évaluation sur l’engagement nécessitent d’être développés.
Que représente la création de cette Chaire pour le LEPS et l’université, et plus largement, pour ce champ de pratiques et de recherche ?
Ce nouveau champ de pratique devient de fait un champ de recherche. Son adossement au Laboratoire Éducations et Pratiques de Santé dirigé par le Pr. Rémi Gagnayre va permettre de faire en sorte que les recherches menées irriguent d’autres travaux et de convoquer ses référentiels (santé publique, sciences de l’éducation, sciences de la santé). Et par-dessus tout, la création de cette Chaire entérine un engagement fort de l’université Sorbonne Paris Nord et de l’UFR Santé Médecine et Biologie Humaine (SMBH) dans la responsabilité sociale qui est historiquement la leur. Il s’agit encore d’une première en France et, en ce sens, c’est un évènement en soi. Mais cela consacre aussi un champ de recherche particulièrement nécessaire dans le contexte qui vient d’être rappelé. Car, bien que relativement bien circonscrit et suscitant un intérêt croissant, cela n’équivaut pas à une compréhension partagée de ses fondements et à une mise en œuvre harmonisée sur le terrain. Dans le contexte de l’essor de l’engagement des patients, la Chaire se donne pour objectif de produire des connaissances afin de consolider les pratiques et les améliorer. Son programme de recherche a pour objectif de traiter la question suivante : comment -et pourquoi – recourir à l’engagement des usagers pour la collectivité afin de promouvoir la santé et bâtir des institutions justes ? Et l’expérience patient étant l’aune à laquelle mesurer in fine les effets de l’engagement des patients, il s’agira également de créer les outils pour en mesurer l’évolution.
Enfin, cet entretien est aussi l’occasion pour nous de remercier Anne Pellé, Vice-présidente Commission recherche et Nathalie Charnaux, Directrice de l’UFR SMBH dont les appuis ont été essentiels pour obtenir l’implication de l’université Sorbonne Paris Nord.
Source :
Université Sorbonne Paris Nord – https://www.univ-paris13.fr/engagement-des-patients-dans-le-systeme-de-sante-creation-de-la-premiere-chaire-de-recherche-francaise/